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L’accord de 1968, lien particulier et contesté entre la France et l’Algérie

Il faudrait plus qu’un diabolo fraise pour évoquer un accord qui résume, selon lui, la relation « déséquilibrée » entre la France et l’Algérie. Xavier Driencourt, 70 ans, deux fois ambassadeur à Alger (2008-2012, 2017-2020) jusqu’à sa retraite, a depuis échangé son costume de diplomate pour devenir le critique le plus virulent d’une entente entre les deux nations : « l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ».
Reliquat de l’histoire coloniale, cette convention institue un régime spécifique – dit « dérogatoire » – aux Algériens, dont certaines stipulations n’ont pas d’équivalent dans le droit commun régi par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). De fait, étant considéré comme un traité international, cet accord bilatéral a une valeur supérieure aux lois françaises. « Il donne aux Algériens un statut privilégié que n’ont pas les autres nationalités, martèle Xavier Driencourt. Il y a une asymétrie, car les Français n’ont aucun avantage en Algérie. Il faudra à un moment dire : “ça suffit les gars, vous êtes bien gentils, mais on ferme le rideau”. »
Depuis qu’il s’est emparé de cette cause, la droite et l’extrême droite semblent avoir découvert un « secret de famille », une « bombe » et un levier de pression pour faire plier un Etat – avec lequel la France a connu quatre crises diplomatiques en quatre ans – jugé peu coopératif en matière, notamment, de délivrance des laissez-passer consulaires à ses ressortissants sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Edouard Philippe, Eric Ciotti et même Manuel Valls ont appelé à en finir avec cet accord. En juin 2023, alors sénateur de Vendée (LR), Bruno Retailleau, entre-temps devenu ministre de l’intérieur, avait, dans une proposition de loi, demandé aux autorités françaises de « dénoncer » ce « droit automatique à l’immigration ».
Toutefois, l’accord de 1968 « est extrêmement mal connu des politiques, alors même que certains étaient aux commandes du pays », reconnaît Xavier Driencourt avec une pointe d’ironie. Car selon lui, certains d’entre eux pensent que ce document de huit pages « facilite considérablement les flux [migratoires] entre nos deux pays », comme l’avait assuré Marine Le Pen.
« Ce qui, dans les faits, n’est pas le cas, estime l’avocat Morade Zouine, juriste au groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Comme n’importe quel autre étranger, un Algérien entre en France avec un visa. On a trop politisé la question pour qu’on ait un discernement suffisant pour comprendre la complexité de la question. Il faut déconstruire : même les Algériens pensent qu’ils sont favorisés. »
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